Penser l’évaluation des Projets de Rénovation Urbaine au prisme de l’attractivité.

Penser l’évaluation des Projets de Rénovation Urbaine au prisme de l’attractivité.
Dans plusieurs missions d’appui auprès de collectivités sur la conduite d’une démarche d’évaluation d’un Projet de Rénovation Urbaine (PRU), nous avons été confrontés à des interrogations récurrentes des partenaires mobilisés : sur quoi faire porter l’évaluation du PRU : le suivi et le réajustement régulier du programme porté par le PRU, et inscrit dans son convention ; ou bien plus largement les effets attendus du projet sur le territoire et sur ses habitants, dans l’ensemble de ses dimensions sociales et urbaines.
 
Une manière de répondre à cette question du « sens » de l’évaluation d’un PRU est de concilier différents niveaux et registres d’évaluation, laquelle doit être utile et parlante aussi bien aux élus, aux techniciens de la collectivité (et en particulier le chef de projet du PRU), les partenaires mobilisés, et les citoyens.
 
C’est à l’aune de ces expériences que l’attractivité est progressivement ressorti comme une clef d’entrée intéressante pour les évaluations à conduire, en donnant un sens au PRU que les différents destinataires de l’évaluation peuvent partager, et qui par ailleurs constitue une ambition explicite ou sous-jacente de tous les PRU : (re)conquérir une attractivité pour le territoire concerné par le PRU. C’est aussi une entrée qui permet de faire le lien entre évaluation d’un PRU et évaluation d’une stratégie engagée en matière de Politique de la Ville dans une logique de réduction des inégalités socio-territoriales, qui renvoie par exemple à des enjeux d’attractivité des équipements scolaires.
 
Mettre l’accent dans les démarches d’évaluation de PRU sur les enjeux d’attractivité (attractivité résidentielle globale, attractivité des offres d’habitat nouvelles ou réhabilités, attractivité des équipements créés…) présente trois intérêts méthodologiques majeurs.
 
Le premier de ces avantages : l’évaluation des différentes notions d’attractivité peut être étayées par la construction d’incitateurs statistiques issus de sources existantes et mobilisables, permettant de mesurer les impacts du projet pris dans son ensemble sur plusieurs curseurs, pour n’en citer que quelques-uns : prix de l’immobilier privé, dans le neuf ou l’ancien, sur le quartier même ou dans le périmètre élargi de TVA à taux réduit… ; évolution de la demande exprimée en locatif social pour se voire attribuer, ou au contraire quitter, un logement sur le quartier ; évolution du taux de l’école du quartier… Dans ce sens, l’approche de l’évaluation des PRU par l’attractivité peut constituer un socle objectif sur lequel asseoir la démarche partenariale.
 
Deuxième intérêt : l’approche par l’attractivité oblige à poser la question de la référence territoriale retenue pour l’ambition du projet. S’agit-il prioritairement d’évaluer l’amélioration de l’attractivité dans l’absolu (« le quartier est devenu plus attractif qu’avant »), ou de tendre vers une performance d’attractivité relative, que peut constituer la moyenne de l’agglomération, un quartier voisin, un quartier considéré comme une référence locale en termes d’attractivité ?
 
Enfin, troisième conséquence méthodologique que nous considérons comme positive : envisager l’évaluation sous l’angle de l’attractivité, c’est s’obliger à expliciter des cibles : auprès de qui veut-on devenir plus attractif ? Les habitants actuels du quartier, les usagers potentiels d’équipements publics, les directions et personnels d’entreprises et commerces, les futurs clients de programme de diversification prévue ? En fonction de la réponse apportée à cette question des cibles, il conviendra d’adapter les méthodes d’évaluation qualitative retenue pour l’évaluation, et les penser en complémentarité à l’apport plus axé sur la participation des conseils citoyens. On pense ici à des focus groupes ciblés (par exemple, usagers d’une maison de quartier rénové) ou des enquêtes ménages (par exemple, profil et degré de satisfaction de nouveaux ménages dans un programme neuf privé). Plus particulièrement, l’importance de disposer de modules d’évaluation donnant à disposer du « point de vue de l’extérieur » (habitants du reste de l’agglomération ne résidant pas et ne fréquentant pas le quartier) nous semble essentielle dans cette approche par l’attractivité. Ce point de vue extérieur sur les dynamiques de notoriété et d’image devrait ainsi constituer une dimension à part entière de toute évaluation d’un PRU.
 
Au final, concevoir une évaluation réussie des PRU du point de leur attractivité nous semble devoir reposer sur trois conditions de réussite :
  • La première condition, c’est celle d’inscrire l’évaluation dans le temps « long », en tout cas une temporalité qui ira au-delà de la finalisation du projet urbain. En effet, le changement d’image d’un quartier, puis son attractivité renouvelée, ne se décrètent pas, ils se construisent très progressivement. Paradoxalement, penser l’attractivité doit marier cette approche sur le long terme des résultats obtenu avec une capacité de réaction rapide dans le pilotage et l’ajustement des stratégies et du programme ; l’attractivité dépend en effet fortement des conditions de l’environnement du projet, d’un contexte de marché immobilier plus ou moins favorable ; certains PRU ont ainsi su se montrer réactifs pour attirer des investisseurs et promoteurs, quand d’autres ont raté la fenêtre de tir et engagé des opérations trop tard.
  • La deuxième condition, c’est accorder une attention particulière dans l’évaluation sur les effets d’entraînement territoriaux. En quoi l’attractivité d’un quartier en PRU s’appuie-t-elle effectivement sur les opérations d’accession développées dans le périmètre élargi de TVA à taux réduit ? Comment les projets d’aménagement limitrophes (nouvelle ZAC, centre commercial, offre de mobilités en transport en commun…) interagissent-ils, ou non, avec le PRU pour enclencher un regain d’attractivité débordant le périmètre du projet ?
  • La troisième condition, c’est d’accepter que l’évaluation n’aura de sens que contextualisée localement, avec des paramètres aussi différents d’une agglomération à l’autre que la gouvernance politique locale, ou la dynamique du marché immobilier… Selon ces contextes, l’ambition d’attractivité que l’évaluation visera à mesurer pourra s’enclenche rapidement, dans d’autres elle restera un horizon lointain avec de nombreux pré-requis à rassembler. Particulièrement sur cette question de l’attractivité, évaluer un PRU ne peut s’envisager comme une déclinaison de l’évaluation nationale de l’ANRU.
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