Evaluer les démarches de soins psychiatriques à domicile : un dispositif innovant à forts enjeux sanitaires et sociaux

Evaluer les démarches de soins psychiatriques à domicile : un dispositif innovant à forts enjeux sanitaires et sociaux
Evaluer les dispositifs de soins psychiatriques représentent une démarche d’avenir, symbole d’une alternative crédible à l’hospitalisation.
Le rapport LAFORCADE nous enseigne que la santé mentale et la psychiatrie constituent un enjeu de santé majeur : une personne sur cinq sera un jour atteinte d’une maladie psychique. Classés au troisième rang des maladies après les cancers et les pathologies cardiovasculaires, les troubles psychiques et les maladies mentales tiennent une place importante dans la vie d’au moins un quart de la population française, compte tenu de leurs conséquences sur l’entourage immédiat des patients.
 
L’enjeu est d’évaluer un dispositif qui permet d’éviter une hospitalisation pour soigner chez eux des gens avec des problématiques lourdes et chroniques. La prise en compte de leurs vulnérabilités psychiques et sociales est donc déterminante pour qu’il n’y ait pas de rupture avec le milieu de la vie da personne et son environnement. C’est à notre sens ici que réside l’innovation à intégrer dans les approches et méthodologies retenues. Un accent particulier doit être mis sur la question de l’articulation des soins et la prise en compte de l’environnement physique et social des patients/usagers.
 
Même si la plupart des patients sont suivis en ambulatoire, vivent dans leur famille ou dans des structures médico-sociales ou sociales, il est aujourd'hui indispensable de développer des partenariats pour l'élaboration d'un projet commun entre les différents partenaires:
  • Soignants
  • Partenaires sociaux
  • Usagers/familles
De manière générale, les établissements de santé mentale dispensent des soins en hospitalisation complète, dans les CMP (Unité de coordination et d’accueil en milieu ouvert) qui organisent des actes de prévention, de diagnostic, de soins ambulatoires et d’interventions à domicile. Les ruptures de parcours sont cependant multiples et désormais reconnues par de nombreux acteurs. Elles sont principalement caractérisées par : l’accès difficile au diagnostic et aux soins, des hospitalisations inadéquates, un accompagnement social et médico-social défaillant, un accès compliqué aux soins somatiques ou encore une prévention aléatoire des situations de crises.
 
En revanche, l’expérimentation de soins psychiatriques à domicile ouvre un nouveau paradigme.
 
Tout d’abord, elle vient confronter deux images que véhicule couramment la psychiatrie. L’une, plus ancienne, celle qui évoque « la psychiatrie asilaire, celle qui enferme, celle qui éloigne » - représentation sous tendue par la peur inconsciente de la folie.
 
L’autre, plus récente, celle qui innove, « une psychiatrie ouverte sur la cité susceptible d'apporter un soulagement au « mal-être social » - représentation sous-tendue par une plus grande prise en compte de l’usager, de son entourage et de son milieu de vie.
 
Celle-ci s’exprime de plus en plus sous deux formes :
  1. D’une part, à travers les demandes émanant des patients eux-mêmes, des médecins généralistes, mais aussi du champ social, éducatif, judiciaire...
  2. D’autre part, à travers des demandes s'exprimant de plus en plus de façon bruyante sous forme de « crises » (prévalence de l'immédiateté, du passage à l'acte, de l'agir; tendance de la société en général).
 

Evaluer une intervention multipartenariale dans le milieu de vie de la personne

Cette nouvelle forme d’intervention est au cœur de cette mission d’évaluation. Elle suggère notamment de l’engager non seulement à travers le prisme de l’efficience et de la qualité des soins mais aussi et surtout à travers la qualité du travail en réseau développé par chacune des équipes, en tenant compte des risques et des limites:
  • Une clarification suffisante des identités et des positions professionnelles de chacun ;
  • Une cohérence assurée dans les responsabilités de chaque partenaire ;
  • Un questionnement permanent sur la nécessaire transmission d'informations utiles entre acteurs tout en respectant la confidentialité (secret médical) des données du patient.
Certes, il s’agit d’abord de « soigner » et donc de prendre en charge la pathologie, la souffrance, la crise, l’urgence, ce dont le système de santé s’acquitte plutôt bien. Mais, comme pour toute pathologie qui est souvent chronique, il s’agit de « prendre soin » et donc de se préoccuper de la vie des personnes, en les accompagnant au long d’un parcours, ce dont le système de santé s’acquitte beaucoup moins bien.
 
Cette dynamique est accompagnée par une diversification dans tous les modes d’intervention  impactant les acteurs mobilisés et le profil des professionnels. A terme, le développement de ces dispositifs doit être un moyen de favoriser la réinsertion des personnes, de leur permettre de retrouver un équilibre dans leur vie quotidienne. En définitive, cette action permet  d’éviter la rupture avec le milieu social. Observer, analyser les pratiques professionnelles d’un tel dispositif revient donc aussi à  s’interroger sur les conditions d’une prise en charge « médico-psycho-sociale ».
 
Qu’entend-t-on par ce terme ? En effet, si l’hôpital, le psychiatre, l’infirmière ou encore les aides-soignants sont au cœur du dispositif, il est nécessaire d’observer avec une grande vigilance les caractéristiques des partenariats noués par les équipes au plus près des patients. Ainsi, les services d’aide à domicile, les acteurs du logement, de l’insertion, les structures médico-sociales de proximité (tels les centres médico-psychologiques) ou encore le voisinage doivent être considérer comme les parties prenantes de cette démarche évaluative. L’entourage, quant à lui, peut être associé aux soins, notamment lorsque le lieu de vie est le foyer familial.
 

Evaluer une intervention curative mais aussi préventive

Prévenir le risque de rechute est l’autre axe majeur poursuivi par les professionnels de santé impliqués au domicile de la personne. Les soins psychiatriques n’échappent pas à la prise en charge ambulatoire dans un contexte où le but recherché doit être la réinsertion du patient et son autonomie.
Un des enjeux du dispositif est donc le suivant : Comment lutter contre l’isolement des patients en leur proposant des soutiens, des soins et une approche qui tiennent compte de leurs environnements parfois instables, souvent difficiles, jugés dangereux par le voisinage ou encore fragiles pour les aidants familiaux ?
 
Au-delà des aspects économiques que cela suggère, c’est avant tout participer à l’évaluation d’un dispositif qui replace le patient dans son milieu de vie (avec son mode d’habitat, ses habitudes alimentaires, son voisinage…). En effet, selon les équipes il peut s’agir d’un dispositif temporaire complémentaire du suivi du centre médico-psychologique (CMP), ou organisé dans le prolongement d’une hospitalisation temps plein. Les soins s’organisent alors autour de visites à domicile pluriprofessionnelles, d’accompagnement, de soutien.
 
Bien que les conditions du partenariat avec les acteurs de la cité constituent un indicateur pertinent, les méthodes d’intervention des équipes doivent l’être tout autant. L’équipe constitue une équipe ressource et participe à la formation d’autres intervenants (en particulier les aidants naturels) dans la prise en charge des patients adultes ou enfants, atteints de troubles psychiques.
 
Elle contribue également à la prévention primaire et secondaire et à la déstigmatisation attachée à la maladie mentale, par son travail en réseau et la multiplicité de ses lieux d’intervention.
 
Ainsi la capacité des équipes à « aller vers » constitue un critère de qualité non négligeable dans la mise en place des actions. Quels sont les outils, moyens mise en place pour rencontrer la population, les patients dans leur environnement ? Quel rôle jouent véritablement « les adresseurs » ? Est-il formalisé ? Quels sont les effets produits ? Au-delà de l’approche purement médicale et de la délivrance de traitements, il s’agit ici d’observer quels sont les moyens/compétences mobilisés pour maintenir la personne le plus possible dans son milieu de vie et  l’accompagner dans différents domaines pour qu’elle puisse «  se rétablir », sans risque d’exclusion ni de stigmatisation.
 
Dans cette optique, la réflexion issue de la recherche nous incite à proposer une démarche qui viendra questionner les effets d’une prise en charge à domicile pour le patient et son entourage. Qu’est-ce que cela a provoqué ? Comment les équipes ont-elles fait face aux jugements et aux interprétations maladroites que suggèrent souvent la souffrance psychique et la maladie mentale ? Comment les personnes soignées rentrent dans le dispositif ? Comment faire pour que l’hôpital ne soit plus seul pour accompagner la personne ?
 
En définitive, les investigations de NovaScopia doivent permettre de déterminer un système à la fois pertinent et efficient. Un dispositif adapté aux spécificités des territoires pour que quel que soit leur âge, la coordination des accompagnements puisse permettre aux patients d’être à nouveau en capacité de s’insérer dans la vie normale, de nouer des liens sociaux, de retrouver l’autonomie, reconstruire sa vie, intégrer un emploi, fonder une famille, ou tout simplement retrouver un domicile. Au-delà d’un apport de connaissances sur le fonctionnement des équipes, l’objectif de cette approche est de renforcer les coopérations locales sanitaires, sociales et médico-sociales pour améliorer l’offre de service en psychiatrie.
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